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Publié le 8 juillet 2011

Protrusion linguale

2004 – Journal de la Trisomie 21 – Association de Parents d’Enfants trisomiques 21 (APEM-T21) en Belgique
Traduit avec l’autorisation de « Down Syndrome Ireland », winter 2004, 5-6. Traduction : M.N. Vanherle

Karen Henderson Orthophoniste, Cheeverstown House, Templeogue, Dublin

La protrusion linguale est intimement liée au Syndrome de Down et régulièrement citée parmi ces caractéristiques. On a toujours pensé qu’elle avait pour cause la présence d’une macroglossie importante, mais on penche aujourd’hui davantage pour l’hypothèse d’une combinaison de facteurs physiques et de développement propres à chaque individu.
Les mouvements de la langue doivent être envisagés dans le contexte du corps tout entier.

Toutes les parties du corps sont liées ; ainsi, des facteurs susceptibles d’influencer le développement moteur « normal » dans une partie du corps peuvent également affecter la bouche. Pour progresser dans ses mouvements et ses capacités, il faut avoir un tronc stable. Sans cette stabilité, notre fonction est affectée. Prenons le cas d’un bébé : les mouvements de son corps, d’abord incontrôlés et aléatoires, deviennent plus organisés lorsque le bébé apprend à maîtriser les différentes parties de son corps. Une fois la stabilité du tronc acquise, des parties du corps telles que les bras, les jambes et la tête peuvent exécuter des mouvements plus précis. Par exemple, avant qu’un enfant puisse toucher un objet et le prendre en main, il doit acquérir le contrôle de ses épaules et de son tronc.
Suivant le même schéma, la stabilité orale dépend de la stabilité du cou et des épaules, qui dépend à son tour de celle du tronc et du bassin. La stabilité de la mâchoire permet de contrôler les mouvements de la langue et des lèvres, et c’est en développant les mouvements de la langue que l’enfant va commencer à sentir de lui-même la place naturelle de la langue dans sa bouche (par ex. au milieu).
Il ne faut jamais oublier que tous les enfants porteurs d’une trisomie 21 n’ont pas la langue qui sort, mais que cela fait également partie des premières phases du développement. S’il y a accentuation ou persistance, un ou plusieurs des facteurs suivants peuvent être en cause :

  • Bébés, les enfants porteurs d’une trisomie 21 tètent plus difficilement et apprennent à maîtriser le flux de liquide en sortant la langue.
  • Les personnes porteuses d’une trisomie 21 ont un palais dur plus petit et plus courbé ; leur langue se trouve donc dans un espace plus restreint que la moyenne.
  • Le tonus musculaire de leur langue est inférieur à la moyenne. Elle paraît dès lors plus large parce qu’elle est plus molle. Les mouvements de la langue dépendent de l’action de toute une série de muscles dans la bouche ; ils interviennent dans la déglutition, la respiration, la mastication et la parole. Les personnes porteuses d’une trisomie 21 ont du mal à produire et à coordonner les mouvements nécessaires au contrôle de la langue.
  • Au cours du développement, la langue pousse à un rythme différent des autres parties du visage telles que la mâchoire, ce qui explique que durant les premières années, la langue se trouve placée dans le haut de la bouche, à l’avant. Ce facteur, associé à un espace oral restreint et à un faible tonus musculaire de la langue, peut avoir pour conséquence une protrusion linguale.
  • Les muscles de la langue corrigent et ajustent constamment la position de la langue dans la bouche, en se basant sur les informations sensorielles qu’elle reçoit. Beaucoup d’enfants porteurs d’une trisomie 21 ont des difficultés à recevoir et à intégrer les données sensorielles, et acquièrent ces aptitudes plus tard, parfois de façon incomplète. Par conséquent, ils ne s’aperçoivent pas toujours que leur langue sort.
  • La protrusion linguale peut également venir d’une incapacité à faire bouger la mâchoire indépendamment de la langue. C’est une aptitude que l’on acquiert au fil du temps et qui dépend de la stabilité de la mâchoire. Sans celle-ci, lorsque la mâchoire inférieure s’abaisse, la langue sort.
  • La protrusion linguale peut résulter d’une obstruction partielle des voies respiratoires due à des végétations ou à des amygdales gonflées, fréquentes chez les personnes porteuses d’une trisomie 21.
  • La capacité à corriger soi-même une protrusion linguale nécessite un certain degré de discernement et de motivation. Ce contrôle sur soi ne se développe pas toujours complètement ou peut survenir bien plus tard, en fonction de l’âge de l’enfant et de son niveau de développement.
  • Les infections des voies respiratoires supérieures, obstruant le nez de l’enfant, peuvent le forcer à respirer par la bouche plutôt que par le nez. Lorsque l’on respire par la bouche, la mâchoire s’abaisse et la langue n’est plus retenue à l’intérieur de la bouche. Les infections peuvent être provoquées par des infections de l’oreille moyenne, fréquentes chez les personnes porteuses d’une trisomie 21 et se développent en raison d’un dysfonctionnement de la trompe d’Eustache, située à l’arrière de la gorge et reliée à l’oreille moyenne (son rôle est d’équilibrer la pression de l’air des deux côtés du tympan). Si les muscles entourant l’entrée de la trompe ont un faible tonus, des écoulements se répandant rapidement peuvent pénétrer dans l’oreille moyenne et provoquer une infection.
  • Beaucoup d’enfants porteurs d’une trisomie 21 présentent un retard de développement moteur et ne présentent par conséquent pas de base stable sur laquelle se développent les aptitudes motrices orales.

En travaillant avec des enfants porteurs d’une trisomie 21, j’ai pu constater que la protrusion linguale représente généralement une phase transitoire souvent liée à des périodes de poussée dentaire ou d’infections de la gorge. Les cas de persistance reflètent un tonus musculaire général bien inférieur à la moyenne et, par conséquent, un plus grand retard au niveau du développement moteur oral. Ces enfants ont besoin de plus de temps pour acquérir la faculté de se nourrir et de boire, ce qui se manifeste par une réticence à passer d’aliments quasi-liquides à des aliments en morceaux, et par un retard dans l’aptitude à mordre et à mâcher. Ces deux actions nécessitent des mouvements de mâchoire plus complexes et la capacité de bouger la langue dans de nombreuses directions. C’est en encourageant l’enfant à mordre et à mâcher sans danger qu’il progressera à son rythme dans ces deux domaines.
Du point de vue du développement moteur oral, un certain nombre d’objectifs sont envisageables. Même si le premier est d’améliorer les aptitudes motrices orales, il y aura une réaction en chaîne au niveau de l’alimentation et du développement du langage. Evaluez le niveau de développement de votre enfant et voyez avec l’orthophoniste, le physiothérapeute, l’ergothérapeute les étapes à travailler. Pour réduire la protrusion linguale, votre enfant devra acquérir en tout ou en partie les aptitudes suivantes :

  • base centrale stable (c’est-à-dire, contrôle du tronc, de la tête, etc.)
  • augmenter le tonus musculaire de la bouche et du visage
  • augmenter la sensibilité de la bouche
  • affiner le mouvement des lèvres
  • affiner le mouvement de la mâchoire
  • affiner les mouvements de la langue

Comme vous pouvez le constater, de nombreuses choses peuvent être à l’origine d’une protrusion linguale. Pour beaucoup d’enfants porteurs d’une trisomie 21, ce n’est qu’un symptôme du retard de développement généralisé qu’ils connaissent. Il est dès lors essentiel de procéder à une évaluation complète afin d’assurer que l’on a choisi le moyen de remédiation approprié. Il serait peu indiqué de travailler des aptitudes que l’enfant n’a pas les facultés de maîtriser. Chez les enfants non porteurs d’une trisomie 21, ces aptitudes motrices orales sont généralement acquises avant 24 mois, mais étant donné le retard de développement probable de votre enfant et ses difficultés dues à un faible tonus musculaire, commencer des activités à cet âge risque d’échouer. Chaque enfant présente un tableau clinique différent, c’est la raison pour laquelle chaque thérapie entreprise devrait être adaptée à l’individu. Il est très important de consulter un orthophoniste, un ergothérapeute, un physiothérapeute afin d’avoir une vue d’ensemble du développement physique, sensoriel et moteur oral de votre enfant, et évaluer la nécessité de travailler au niveau de ceux-ci. Ces spécialistes seront les plus à même de vous guider au fil du processus.
Si vous n’avez pas la possibilité de rencontrer des thérapeutes, vous pouvez néanmoins suivre les suggestions ci-dessous. Proscrivez les exercices si votre enfant présente une des situations suivantes : végétations/amygdales gonflées, poussée dentaire, infections de la gorge ou des voies respiratoires, etc. Choisissez un ou deux exercices pour commencer, mais sachez que vouloir exécuter tous les exercices en une séance peut être néfaste. Il arrive que les adultes soient excessivement enthousiastes, et si l’enfant est incapable de coopérer aux exercices il risque de se fermer à toute forme d’intervention à plus long terme. C’est pourquoi vous devez absolument connaître les forces et les faiblesses de votre enfant et le féliciter pour chaque tentative effectuée. Certains enfants auront besoin de nombreuses séances d’exercices et de démonstrations très claires pour bien comprendre ce qu’ils doivent faire. Observez votre enfant et notez les situations où sa langue sort, ce qu’il est en train de faire quand cela se produit, combien de temps cela dure, s’il se corrige de lui-même, etc.
Soyez patient et prêt à recommencer l’activité de nombreuses fois. Atteindre l’objectif fixé peut prendre du temps. Mais retenez avant tout que cette activité doit être amusante !

 

Idées pratiques pour développer la sensibilité et le tonus musculaire de la bouche :

  • Ne faites pas toutes les activités en une fois.
  • Ne lancez pas ces activités au moment du repas car cela pourrait entraîner une aversion par rapport à la nourriture.
  • Faites-lui faire ces exercices sur de courtes périodes de temps.
  • Parlez tout au long de l’exercice, à chaque étape.
  • Adoptez tous deux une position décontractée et confortable.
  • Placez votre enfant dans une position stable et soutenue.
  • Éliminez toute source de distraction potentielle telle que télévision, radio, autres personnes etc.
  • Faites des pauses pour que l’enfant puisse avaler la salive accumulée.
  • Ces exercices peuvent se faire à n’importe quel moment de la journée, par exemple au moment du bain ou du séchage (en utilisant un essui, une éponge, un gant de toilette, etc).
  • Renoncez-y si votre enfant est enrhumé.
  • Interrompez la séance si votre enfant se montre stressé.
  • Si votre enfant est sensible autour de la bouche, préparez-le avant de faire un geste vers son visage. Avec des gestes lents et fermes, caressez ses mains, ses bras, ses épaules, son corps et sa nuque en utilisant un tissu un peu rêche (par ex. un essui).
  • Avec des gestes fermes, toujours avec le même tissu, commencez par les côtés du visage, le front et le menton et progressez vers le milieu du visage.
  • Massez les joues en mouvements circulaires, en insistant sur la zone près de la bouche.
  • Avec deux doigts, maintenez fermement les lèvres inférieure et supérieure closes. Tenez deux ou trois minutes, puis relâchez.
  • Avec des mouvements fermes, appuyez sur la zone entre le nez et la lèvre supérieure tout en poussant d’un doigt la lèvre inférieure vers le haut.
  • Avec le pouce et l’index, tirez la lèvre supérieure vers le bas, en commençant juste sous le nez et en progressant vers la lèvre (sans toutefois la toucher). Procédez de même avec la lèvre inférieure, en partant du menton vers la lèvre. Soutenez le menton si nécessaire.
  • Maintenez les lèvres serrées en appuyant un index sous le nez et l’autre sous la lèvre inférieure – faites tourner les doigts vers les lèvres.
  • Introduisez petit à petit des saveurs plus prononcées dans l’alimentation de votre enfant :
    – plats au curry, sauces chinoises, chips à l’ail, vinaigre, aïoli, ketchup, etc.
    – fruits et yaourts sûrs ou amers, kiwis, citrons, fruits des bois, pamplemousses, airelles, etc.
    – aliments très froids : glaces, glaçons
  • Jouets qui font appel aux sens : balles avec reliefs (« Bumble balls »), anneaux de dentition avec textures différentes / vibrants, etc.

 

Idées pratiques pour exercer la mâchoire et la langue :

  • Lorsque vous nourrissez votre enfant à la cuillère, présentez-la en diagonale dans la bouche de façon à ce que la nourriture soit placée au centre
  • Pour stimuler la mastication et les mouvements latéraux de la langue, choisissez un moment où votre enfant est calme.
  • Évitez de faire ces exercices au moment du repas.
  • Utilisez des objets tels que des anneaux de dentition (striés, etc.), des aliments qui ne se décomposent pas en bouche (aliments durs que l’on peut mâcher sans qu’ils se cassent, fruits secs; morceaux de banane, de pêche, abricots ; bâtons de réglisse, etc.)
  • Posez l’objet dans la bouche, entre les dents, le long de la mâchoire mais veillez à ne pas étirer les lèvres. Ne placez pas l’objet trop loin pour éviter que votre enfant n’ait des haut-le-cœur.
  • Commencez par le bon côté puis passez à l’autre.
  • Si votre enfant ne mâchonne pas l’objet, retirez-le légèrement et avec douceur, ou poussez-le vers le bas.
  • Lorsque vous sentez que votre enfant n’a plus de difficulté à mordre un objet, faites de même avec des aliments. Commencez avec des aliments qui se dissolvent (boudoirs, meringues, etc.)
  • Si votre enfant n’en casse pas un morceau avec ses dents, détachez vous-même un morceau pendant qu’il le mâche. Ne forcez pas votre enfant à manger des aliments que sa bouche n’est pas prête à recevoir.
  • Au fil du temps, utilisez des aliments plus élastiques.
  • Activités de souffle encourageant la rétraction de la langue :
    – souffler dans un sifflet
    – souffler des bougies
    – faire des bulles
    – souffler sur des boules d’ouate ou des balles de ping-pong afin de les faire rouler sur une table
    Les exercices faciliteront également le souffle
  • Soutiens nécessaires au langage : boire avec une paille est également un bon exercice. Assurez-vous que l’enfant  emprisonne bien la paille entre les lèvres plutôt qu’avec les dents. Cet exercice permet également le travail des muscles faciaux, les mouvements des lèvres, leur renforcement, la fermeté de la mâchoire, une plus grande autonomie au niveau de l’alimentation.

 

Idées pratiques pour exercer les mouvements des lèvres :

  • Devant un miroir, faites des « houou » (comme les fantômes, les hiboux, les singes, le vent, etc.) et des « hiii » (comme des souris, etc.) en exagérant le mouvement des lèvres. Vous devrez peut-être pousser légèrement les lèvres d’une position étirée (comme pour un sourire) à une position ronde (comme pour un baiser).
  • Faites-lui faire des bisous. Vous devrez peut-être pousser légèrement les lèvres d’une position étirée à une position ronde. Mettez du rouge à lèvres ou du maquillage de grimage et faites lui faire des marques de bisou sur un miroir, un mouchoir en papier, une feuille, etc.
  • Aspirez à l’aide d’une paille. Emprisonnez fermement la paille entre les lèvres.
  • Faites des bulles, soufflez sur des boules d’ouate pour les faire avancer, soufflez dans un sifflet ou un mirliton, faites des bulles dans l’eau avec une paille, etc.

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