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Publié le 16 septembre 2011

Thomas, La vie en aventure

Jeune garçon rayonnant

Thomas

 

Nous habitons un village ensoleillé et tranquille des Alpes valaisannes. La vie y est douce, le climat propice et les relations chaleureuses, comme dans tous les villages de nos montagnes! C’est ici que Thomas, notre petit dernier, grandit, entouré de l’affection de ses frères et de sa soeur.

Thomas est venu au monde, le 2 janvier 2006, après une grossesse paisible. Ce jour-là, nous fûmes envahis d’un sentiment de plénitude, qui n’allait pas durer, car nous ne savions pas encore qu’il était porteur de la trisomie 21. Nous ne savions pas non plus qu’il avait une malformation du coeur, ni qu’il serait très hypotone, allait faire une jaunisse sévère, serait transporté d’urgence au CHUV, qu’il ne parviendrait pas à s’alimenter, pendant deux mois, aux seins maternels, que notre vie allait basculer à tout jamais et qu’elle ne serait désormais plus comme avant. Tout cela nous ne le savions pas. Nous l’aurions su que cela n’aurait rien changé, car nous étions ses parents et qu’il était notre enfant!

Mais cette date a marqué un tournant dans notre vie de famille, dans notre histoire personnelle, et dans notre engagement conjugal. Il y a eu un “avant” la naissance de Thomas et un “après” qui déploie pour toujours ses effets… Il y a eu le deuil de l’enfant idéalisé et la découverte d’un “bout’chou” handicapé, la perte des repères acquis avec nos trois premiers enfants : Matthieu, Jonathan et Léna. Mais surtout, il y a eu l’inexorable plongée dans l’inconnu d’un monde différent. Il y a eu tant de pourquoi, de comment! Tant de questions restées sans réponses, suspendues entre Ciel et terre! Il y a eu la révolte qui sourde et qui éclate. Il y a eu le chagrin qui coule à flot, sans se tarir. Il y a eu l’épuisement, que l’on appelle communément “burn out” et qui, pour une fois, n’arrive pas qu’aux autres. Et au fond de la nuit froide et noire, plus qu’une voix, bien plus qu’une lueur, il y eut une parole, une espérance, celle d’une reconstruction.

Aujourd’hui, nourris par une foi nouvelle, nous apprenons à bâtir notre vie sous un jour nouveau, et sur d’autres fondations, celles de la relation et de l’amour. Et nous redécouvrons inlassablement des expressions tellement banales qu’elles nous sont devenues désormais tellement vitales : “N’ayez pas peur”. Faites confiance”. “Vivez l’instant présent”. “Osez l’espérance”. “Soyez patients”. C’est ainsi, qu’armés de cette patience nouvelle, nous tentons, chaque jour, de percer un peu mieux, un peu plus, le voile de la trisomie qui enveloppe notre enfant pour rencontrer Thomas avec ses peurs, ses émotions et ses capacités. Alors, chacune de ces rencontres devient l’occasion d’un apprentissage!

Il y eut l’apprentissage de la marche. Que de jours, que d’années pour mener ce combat ! Que de consignes, de conseils, de pleurs, de cris de joie, de stimulation ont résonné dans la maison, de la cave au grenier ! Parents et enfants se jetaient alors des « je t’aime » comme autant de promesses que chacun sème ! Dès les premières heures du jour, matin après matin, soir après soir, c’était toujours le même combat, celui de chaque lendemain, celui de chaque geste appris, décortiqué minutieusement, répété quotidiennement, mémorisé et arraché à l’indolence, intégré pour quelques instants éphémères et volé à l’innocence… Et puis, un matin, différent d’un autre matin, ouvre une brèche. Et ce jour-là, pourtant semblable aux autres, déchire le voile. La nuit s’illumine. La tempête s’apaise. Une étoile reparaît au-dessus de la crèche. Tout semble alors possible et accessible, atteignable et réalisable. Un pas, puis un autre, gauches, malhabiles, puis plus adroits. Tu marches, mon fils !

Aujourd’hui tu te lèves pour un nouveau combat : apprendre à parler la langue des petits « bouts d’hommes ». Mais faut-il vraiment mettre des mots sur tous nos regards d’amour ? Faut-il absolument traduire dans une autre langue tous nos rires ? Comment transcrire alors ta joie, ta maladresse, ta faiblesse et ta richesse dans une société qui fait sans cesse l’éloge de l’excellence et qui montre du doigt celui qui est marqué dans sa chair du sceau de la  différence ? Comment pourrions-nous alors trahir tous ces instants complices, tous tes regards tristes ou gais qui en disent tellement plus que des milliers de mots contenus dans le plus vide des discours. Comment réduire à de simples onomatopées tous tes « ga » si expressifs qui jaillissent au moment de la prière du soir et qui vibrent dans nos coeurs comme une douce mélopée, comme une petite musique de nuit… qui réchauffe nos coeurs tantôt meurtris, tantôt engourdis !

Tous tes « mamans », tous tes « papas », accompagnés de tes câlins si tendres, nous ont appris et nous apprennent encore le langage du coeur. Et nous redécouvrons, grâce à toi, jour après jour, le miracle de l’Amour. Car tu as reçu en cadeau, le don de rendre visible ce qui est essentiel et qui ne se voit bien qu’avec les yeux du coeur ! C’est ainsi que désormais notre vie est bien différente, bien exigeante, mais tellement surprenante, que nous n’en voudrions pas une autre, car c’est la nôtre !

 fin 2009 – Philippe Perruchoud

 


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