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Publié le 29 septembre 2011

Jurisprudence : Jugement sur l’intégration scolaire à Neuchâtel

janvier 2011 – Caroline Hess-Klein d’Egalité Handicap

Le Tribunal administratif de Neuchâtel a rendu une décision qui met en cause le système d’octroi de soutien spécialisé aux enfants handicapés actuellement appliqué.

Le 16 novembre 2010, le Tribunal administratif s’est penché sur le cas d’Alain (prénom modifié), âgé de 9 ans. Depuis l’âge de 4 ans, cet enfant fréquente l’école régulière et, en raison de son handicap mental, bénéficie de la part de l’Office de l’éducation spécialisée (OES) d’un soutien pédagogique qui lui est spécialement destiné: 6 heures hebdomadaires pour la première année, 4 heures pour la deuxième année, complétées par des périodes de soutien fournis par une enseignante à l’ensemble de la classe. Au printemps 2010, l’OES informe les parents que, pour la troisième année, il n’octroiera à Alain plus que 2 heures hebdomadaire de soutien.

D’abord devant la Direction de l’éducation puis devant le Tribunal administratif, les parents ont recouru contre la diminution des heures de soutien spécialisé, invoquant principalement le droit constitutionnel à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst. féd.) : Sans un soutien spécialisé de 10 heures hebdomadaires, Alain n’est pas en mesure d’apprendre.

L’art. 19 Cst. féd. est un droit social justiciable. Il octroie à chaque enfant le droit au minimum de formation scolaire qui est nécessaire au développement de sa personnalité et de sa capacité à participer en tant que membre à part entière à la vie sociale et culturelle. Lorsque, en raison d’une déficience corporelle, mentale ou psychique, la capacité d’apprentissage d’un enfant est restreinte, celui-ci a droit, fondé sur l’art. 19 Cst. à un soutien pédagogique spécialisé qui corresponde à ses capacités. Ce soutien pédagogique spécialisé doit lui permettre notamment de prendre part à la vie en société de manière aussi autonome que possible.

Il est du ressort des cantons de garantir cet enseignement de base suffisant et gratuit (art. 62 Cst.). L’art. 62 al. 3 Cst. les oblige spécifiquement à pourvoir à la formation spéciale de tous les enfants et adolescents handicapés jusqu’à l’âge de 20 ans révolus au maximum. Il garantit ainsi également à tous les enfants et adolescents handicapés un droit individuel à une formation spéciale afin de les encourager et de les former de manière optimale.

Le Tribunal conclut qu’en l’espèce, l’OES n’a pas étayé de manière suffisante son affirmation selon laquelle les deux heures de soutien hebdomadaire accordées à Alain permettent de lui garantir un enseignement de base suffisant. Il renvoie la cause au Département de l’éducation pour instruction complémentaire en relevant la nécessité « d’établir de manière fiable les critères décisifs pour l’octroi des prestations appropriées et suffisantes pour atteindre le but de formation visé ».

Même s’il est regrettable que le Tribunal administratif ait renoncé à se prononcer sur le fond, cet arrêt revêt néanmoins une importance toute particulière. En effet, le Tribunal (et avec lui l’OES) reconnaissent expressément que la réduction du nombre d’heures de soutien destinées à Alain est une conséquence du « budget accordé à cet office (l’OES, ndlr) pour l’exécution de ses tâches et au nombre, variable, de destinataires des prestations sollicitées ». Ce système de budget actuellement appliqué dans le canton de Neuchâtel a pour conséquence que seuls les montants budgétés sont répartis de manière mécanique, sans que les besoins individuels de chaque enfant en raison de son handicap puissent réellement être pris en compte.

Le Tribunal administratif souligne explicitement, et à juste titre, que le critère du cadre budgétaire de l’OES ne peut à lui seul être déterminant lors de la décision du nombre d’heures de soutien spécialisé à accorder à un enfant handicapé.

On peut espérer que cette jurisprudence aura pour effet, au-delà de ses implications encore ouvertes pour le cas d’espèce, de remettre en cause le système budgétaire de l’OES et le processus de décision d’octroi de soutien spécialisé.

 


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