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Publié le 7 juillet 2011

Le fœtus dans tous ses états

18 février 2001 – Femina – Sandra Andrade

Toujours plus nombreux et plus sophistiqués, les examens prénataux permettent de suivre de près l’évolution du foetus. Inventaire chronologique des tests proposés aux futures mamans en cours de grossesse.

Premier bilan de santé – A 12 semaines

L’échographie est une technique irremplaçable. Elle permet d’identifier le sexe du foetus, d’observer cet être minuscule en train d’attraper son pied et de sucer son pouce et surtout de suivre médicalement la grossesse. La première séance d’ultrasons confirme le terme à quatre jours près, en mesurant le foetus de la tête au siège. Indispensable, car il peut y avoir plusieurs semaines d’écart entre son âge théorique et son âge réel. Dans la foulée, on évalue sa vitalité, on apprécie son anatomie, on repère les grossesses multiples et les malformations sévères: absence d’une partie du crâne (anencéphalie), d’un membre, vessie trop volumineuse, anomalies de la paroi abdominale… Des informations certes dramatiques, mais il est préférable de savoir dès le départ si le foetus est viable et si l’enfant à naître présentera un handicap.

Primordiale parmi les signaux d’alerte, la « clarté nucale », une accumulation d’eau sous la peau de la nuque de l’enfant, oriente le médecin dans son diagnostic. Plus cette poche d’eau est large, plus le bébé court le risque d’être porteur d’anomalies chromosomiques, ou d’une autre malformation, par exemple cardiaque.

Le test de la trisomie – Entre la 11e et la 14e semaine

On propose aux parents un test de dépistage pour évaluer le risque de trisomie 21 (mongolisme). Les médecins traquent essentiellement ce syndrome, car c’est la cause la plus fréquente de retard mental: 1 enfant sur 680 en est atteint. Pour des raisons éthiques, les gynécologues suisses n’ont pas le droit de pratiquer cet examen à l’insu des parents, et ces derniers peuvent le refuser. Mais comme il ne présente aucun risque, les trois quarts des femmes enceintes s’y soumettent volontiers. Le « test du premier semestre » (c’est son nom) combine une échographie et une analyse du sang de la maman. On entre ces données dans un logiciel avec d’autres paramètres (âge de la mère, antécédents familiaux, présence d’une trisomie lors d’une grossesse précédente, etc.) et cela précise le risque pour chaque femme de porter un enfant handicapé. Les résultats sont considérés comme indicatifs, car seules 85°/ des trisomies 21 sont détectées. C’est toutefois mieux que le test précédent (« du deuxième semestre »), effectué dès la 15e semaine, qui ne dépistait que 75% des trisomies 21, en se basant exclusivement sur l’âge de la mère et une analyse de son sang, sans faire appel à l’échographie. Certains gynécologues sont malgré tout restés attachés à l’ancien test, notamment ceux qui maîtrisent mal la technique des ultrasons.

Ces deux examens, qui peuvent aussi déceler d’autres anomalies chromosomiques, comme la trisomie 13 ou 18, ont un gros avantage: ce sont des procédés d’exploration non invasifs, qui ne risquent pas de léser le foetus, contrairement aux tests diagnostiques pratiqués lors d’une grossesse à risque. Mais ils ne détectent pas toutes les aberrations chromosomiques. Et ils concluent, dans 5 à 7% des cas, à une anomalie qui n’existe pas, au grand désespoir des parents qui s’inquiètent pour rien. En cas de soupçon, il convient donc de procéder rapidement à des tests plus poussés qui confirmeront ou infirmeront ces résultats (voir « Grossesses à risque »).

On passe bébé au crible – Entre la 18e et la 20e semaine

Plus complète, la deuxième échographie, dite de morphologie, surveille la croissance du foetus, ses proportions, son activité motrice. On peut désormais préciser son âge à un jour près. On observe les membres, les quatre cavités du coeur, le diaphragme, l’estomac, les reins, la vessie ainsi que toutes les autres parties de l’anatomie. On s’assure que bébé baigne dans une quantité suffisante de liquide amniotique. Sinon, cela pourrait indiquer une absence de rein ou une autre affection. Le praticien est désormais en mesure de traquer la plupart des anomalies, même les plus minimes, comme les becs-de-lièvre.

On peut regretter l’absence d’une troisième échographie de routine à 32 semaines, car certaines malformations foetales n’apparaissent aux ultrasons qu’après la 20e semaine, par exemple les hernies diaphragmatiques qui empêchent les poumons de se développer.

Grossesses à risque

Outre les tests de routine, certaines femmes ont droit aux tests chromosomiques, beaucoup plus fiables mais aussi plus périlleux.

Ces examens consistent à établir le caryotype, c’est-à-dire la carte d’identité de tous les chromosomes du foetus. Ils permettent de détecter, avec un risque infime d’erreur, toutes les aberrations chromosomiques (lire ce qu’il en est des maladies géniques). Mais ils sont coûteux et non sans danger pour le foetus. Aussi les médecins ne les proposent-ils et les assurances ne les remboursent-elles que dans les situations suivantes.

  • Lorsque les premiers tests de dépistage par échographie et prise de sang indiquent un risque de trisomie (5 à 8% des cas).
  • Lorsque la maman a plus de 35 ans (15% environ des grossesses en Suisse). Le risque de mettre au monde un enfant anormal augmente en effet avec l’âge: 1 cas sur 200 à 35 ans, 1 cas sur 50 à 40 ans.
  • Lorsque l’un des parents est porteur sain d’une anomalie chromosomique. On peut être en excellente santé et la transmettre au foetus qui va en manifester les symptômes (on estime que c’est le cas de 1 personne sur 600 environ). Mais comment le savoir? En prêtant attention à certains signes indicatifs: stérilité, fausses couches à répétition, sans parler de la naissance d’un premier enfant anormal ou de cas de maladies au sein de la famille.

Les mamans inquiètes qui ne remplissent pas ces conditions peuvent demander ces tests, mais elles devront les payer de leur poche.

La choriocentèse – Entre la 10e et la 11e semaine

La choriocentèse, dite aussi biopsie du trophoblaste, permet d’intervenir plus tôt dans la grossesse que l’amniocentèse mais provoque deux fois plus de fausses couches (1 fois sur 100). On privilégie cette technique précoce pour les tests axés sur les gènes.

Le gynécologue introduit un tube très fin, le cathéter, par voie vaginale à travers le col de l’utérus afin de prélever des « villosités choriales », c’est-à-dire un échantillon de ce qui deviendra le placenta. Le généticien examine ensuite 15 à 20 de ces cellules qui ont la même origine que celles du bébé, puisqu’elles proviennent aussi de l’oeuf fécondé. Les résultats tombent quatre à sept jours plus tard.

Complications possibles: une hémorragie généralement passagère due à l’insertion du cathéter, des contractions utérines douloureuses qui disparaissent, elles aussi, spontanément. Et les fausses couches dont nous avons parlé plus haut.

Fiable dans 98 à 99°/ des cas. Coût: 770 francs environ.

L’amniocentèse – Entre la 14e et la 18e semaine

Quoique plus tardive, bien des praticiens la préfèrent à la choriocentèse parce qu’elle n’entraîne que 0,5% de fausses couches. « Les chromosomes sont aussi plus beaux avec cette technique, ce qui facilite la détection des anomalies fines », ajoute le professeur Daniel F. Schorderet, responsable de la division de génétique médicale à Lausanne. Le gynécologue prélève un peu de liquide amniotique (15 à 20 ml) à l’aide d’une seringue. Ce geste ne dure que quelques secondes, ne nécessite pas d’anesthésie locale, et la future maman peut rentrer chez elle avec une seule consigne: se reposer durant quelques heures.

Les cellules de l’enfant contenues dans le liquide amniotique sont cultivées dans des incubateurs pendant sept à dix jours, car il faut les bloquer à un certain stade de leur division pour procéder à l’analyse. Ceci explique le long délai d’attente des résultats, en moyenne deux semaines. « Pour les parents, c’est source d’angoisse, commente Sophie Dahoun, médecin responsable du laboratoire de cytogénétique à Genève. Le cap du 10e jour s’avère particulièrement difficile. Pour pallier ce désavantage, nous disposons aujourd’hui du Fish » Un nouveau test qu’on peut faire en complément.

On profite aussi de l’amniocentèse pour mesurer le taux d’alphafoetoprotéine, un produit foetal qui doit être faiblement présent dans le liquide amniotique. Un dosage trop élevé peut indiquer une malformation du système nerveux ou de la paroi abdominale.

Complications: très rarement, une fausse couche (voir plus haut). Même ordre de fiabilité que la choriocentèse. Coût: 900 francs environ.

Le test Fish

Fluorescence In Situ Hybridization Se pratique en général dans le cadre d’une amniocentèse.

Ce nouveau test ne nécessite pas de mise en culture des cellules prélevées avec le liquide amniotique et livre en deux jours seulement un résultat partiel. De quoi faire patienter les parents qui attendent avec inquiétude le verdict de l’amniocentèse. Le Fish colore, à l’aide de sondes fluorescentes qui vont se fixer dans le noyau des cellules, certaines régions définies des chromosomes 21, 13, 18, X et Y, à l’origine des aberrations les plus fréquentes. Les chromosomes apparaissent au microscope sous forme de spots de couleurs différentes. Les généticiens n’ont plus qu’à compter les points lumineux pour dépister une anomalie de nombre. Il faut savoir que le Fish ne trace que certains chromosomes et ne permet pas de déceler les anomalies de structures (chromosomes cassés ou réarrangés), c’est pourquoi il ne remplace pas la choriocentèse ou l’amniocentèse.

Complications éventuelles: voir l’amniocentèse. Fiable à 97%. Coût: 300 francs, que les assurances refusent souvent de rembourser.

Les tests sur les gènes

Se pratiquent généralement dans le cadre d’une choriocentèse ou d’une amniocentèse.

Parfois c’est un gène (unité définie localisée sur un chromosome, responsable des caractères héréditaires), et non un chromosome (support matériel des gènes), qui est à l’origine de l’anomalie. On a répertorié plusieurs milliers de maladies géniques, certaines bénignes (daltonisme) ou graves (mucoviscidose). Le risque, pour un parent porteur d’une telle maladie, de la transmettre au foetus est variable, mais peut atteindre 25 à 50% selon le gène impliqué. Le caryotype ne dépiste pas les anomalies géniques, invisibles au microscope. I1 se limite à repérer les aberrations chromosomiques. En cas de doute sur un problème dû à un gène perturbé, on peut en revanche demander au laboratoire d’effectuer un test spécifique ciblé sur le gène en cause. On peut s’informer sur les tests disponibles auprès des centres de génétiques (lire aussi « Agir à la conception »).

Ces tests spécifiques ne sont pris en charge qu’en cas d’antécédent familial. Coût indicatif: 350 francs à Genève pour la mucoviscidose ou l’hémophilie.

Le décompte des chromosomes

Dans chaque cellule humaine se trouvent, 46 chromosomes (23 de la mère et 23 du père/, dont 2 chromosomes sexuels (XX pour une femme et XY pour un homme). Pour faire un caryotype (carte d’identité génétique/, on observe au microscope les cellules étalées sur des lames de verre, on les photographie, on les assemble par paires numérotées et on les compte. Un chromosome en plus ou en moins, des cassures, signalent des anomalies. La trisomie 21 (mongolisme) est une anomalie numérique de la 21e paire: les enfants qui en sont porteurs présentent trois chromosomes au lieu de deux.

Les trisomies 21,13,18, X et Y représentent 70% des anomalies les plus fréquentes. Les bébés atteints de trisomie 13 ou 18 ont peu de chances d’aller à terme. Les anomalies des chromosomes sexuels ont en général moins d’incidences graves: les malformations sont discrètes ou inexistantes, il n’y a pas nécessairement de déficit intellectuel et l’espérance de vie n’est pas réduite.

Agir à la conception

Le diagnostic préimplantatoire (DPI), celui qui intervient au moment de la conception, permet aux parents porteurs d’une maladie génique de concevoir un enfant sain. Cette technique, par ailleurs interdite en Suisse au même titre que toutes les manipulations d’embryons, implique de procéder à une fécondation artificielle. Les embryons sont conçus en laboratoire, testés, puis triés. On écarte ceux qui portent le gène déficient, on implante le ou les embryons sains dans l’utérus de la mère. Le petit Valentin, né l’automne passé en France, a bénéficié de cette technique qui lui vaut d’être exempt de la maladie incurable (un déficit enzymatique hépatique) dont la mère était porteuse. Dans d’autres pays, comme la Belgique, le DPI est accessible depuis plusieurs années. En Suisse, l’introduction de cette technique n’est pas à l’ordre du jour. Les parents à risque ne disposent donc que du diagnostic prénatal s’ils veulent éviter de mettre au monde un enfant malade. « On en arrive à une situation dramatique, qui favorise les avortements thérapeutiques, traumatisants pour les familles », déplore Paul Bischof, président de la Société suisse de fertilité, stérilité et planning médical.

Le diagnostic prénatal, pourquoi?

Pour anticiper sur la prise en charge du bébé à la naissance, prévoir un accouchement dans un centre adapté, constituer une équipe médicale prête à intervenir dès les premières minutes de vie… Le diagnostic prénatal va, dans certains cas, permettre de soigner le foetus in utero. « II est possible, par exemple, de réguler le rythme cardiaque ou de traiter une toxoplasmose en administrant un médicament à la maman, précise Olivier Irion, responsable du service d’unité de médecine foetale et d’échographie à la maternité de Genève. On peut aussi résoudre une anémie foetale par des transfusions de sang intra-utérines. En revanche, on ne peut corriger un chromosome défectueux, et même la chirurgie intra-utérine demeure très périlleuse. « Un ou deux centres américains ont pratiqué des opérations à utérus ouvert, mais les risques sont si importants qu’on a actuellement tendance à délaisser ces pratiques et à se tourner vers les traitements par endoscopie, commente le Dr Philippe Extermann, médecin responsable du centre d’échographie Dianecho à Genève. On essaie de pénétrer la cavité amniotique sans ouvrir l’utérus, à l’aide de micro-instruments. II subsiste toutefois de grandes difficultés techniques. » Bref, cela reste de la musique d’avenir…

Parfois, le diagnostic prénatal débouche sur la douloureuse question de l’avortement thérapeutique. Le Code pénal suisse l’interdit, sauf si la santé de la mère le justifie. En raison de ce flou juridique, les pratiques varient selon les cantons… Toutefois, les médecins n’interrompent une grossesse après vingt à vingt-deux semaines que dans des situations très exceptionnelles, par exemple lorsque le foetus n’a aucune chance de survie. « Heureusement, la très grande majorité des problèmes sont dépistés avant, affirme le Dr Olivier Irion. II y a aussi des limites éthiques. On ne va pas interrompre une grossesse pour un cas de nanisme, même si les parents le demandent. » A Genève, quand on détecte une anomalie importante, un conseil génétique se réunit pour répondre aux questions des parents. Le centre de génétique lausannois prône une autre approche. « Nous préférons informer les parents en amont, avant même que l’examen diagnostique ne soit pratiqué, relève le professeur Daniel F. Schorderet. Nous les revoyons après les résultats si nécessaire.

En collaboration avec le DR SOPHIE DAHOUN, médecin responsable du laboratoire de cytogénétique de l’Hôpital cantonal de Genève.


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