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Publié le 8 juillet 2011

Comme les autres

26 octobre 2005 – Le Nouvelliste – Olivier Hugon

Handicapés, ils sont en Valais 120 enfants et adolescents intégrés dans des classes « normales ». Comme Ludovic, ces jeunes passent des bancs d’école au travail sur le terrain avec le même entrain.

De la maternelle à l’atelier, tous à la même école

Intégration des handicapés mentaux, Martigny est une ville pionnière en la matière. Tous les jeunes fréquentent les mêmes établissement, quelle que soit leur différence. L’exemple de Ludovic.

Ils arrivent à leur rythme. Entre 8 h30 et 9 heures, un poil plus tard que les autres apprentis de l’Ecole professionnelle de Martigny (EPMa). Julie, Laurie, Pierre-Joseph, Ludovic et les autres ont suivi toute leur scolarité dans les mêmes classes que leurs camarades. Tous souffrent d’un handicap mental plus ou moins prononcé. Depuis la rentrée scolaire 2003-2004, ils ont la chance de pouvoir poursuivre cette voie aux côtés des apprentis, jusqu’à leurs 18 ans. « C’est Jean- Pierre Cretton qui est venu me voir« , explique Jérome Borgeat, directeur de l’établissement. « Il voulait qu’on mette une salle à disposition. L’intégration va dans les deux sens: elle permet à ces jeunes de ne se sentir mis à l’écart, mais elle permet surtout à nos apprentis de côtoyer des jeunes de leur âge qui sont différents. »

Relations cordiales

Et la cohabitation se passe plutôt bien. Les temps de vie en commun sont plutôt rares, mais les incidents sont inexistants. Le repas de midi, à la cafétéria, les pauses, les contacts sont rapides, un regard, un salut à cousin ou un copain du village, « C’est difficile poureux de créer de vraies relations« , note Christophe Guex, enseignant spécialisé responsable de la classe spéciale de stages pratiques. «Les autres apprentis sont différents tous les jours, eux restent ici quatre jours par semaine. » Un avantage pour s’attirer les bonnes faveurs de la tenancière de la cafétéria, Mme D’Andrès, qui les aime beaucoup.
Chacun à tour de rôle, ils passent quelques jours derrière son comptoir pour un premier stage. « A la fin, je leur fais un diplôme à chacun, avec un petit mot. » En trois ans, elle n’a vécu que des expériences positives. « Un jour, en plain repas de midi, l’un d’eux a sorti un harmonica. Il est monté sur la table et s’est mis à jouer. Je pensais que les autres allaient se moquer de lui. Mais ils ont applaudi… »

Programme standard

Comme les autres, les élèves de la classe spéciale, ils sont huit cette année, suivent des cours d français, de maths de géographie ou d’histoire. « On se sert de tout ce qui se passe autour d’eux, précise Christophe Guex, l‘actualité, la Foire du Valais, votre visite, tout est sujet à un compte rendu, à une analyse. » Mais ils ont aussi des branches supplémentaires: un atelier de peinture, avec un vrai peintre, et des vrais tableaux, qui finissent la plupart du temps dans une exposition. « Tout est prétexte à aller vers l’extérieur. » L’expression corporelle est également au programme, dans le cours de musique et gestes en improvision.

Pas de stages plus long

A l’image d’une soixantaine d’entreprises de la région martigneraine, le Garden centre Bender accueille en stage des jeunes handicapés. « Christophe Guex est venu me voir pour me présenter le projet, explique le patron Emmanuel Bender, I’aspect social m’a plu. C’est bon aussi pour mes employés.  L’une  de mes apprenties aime beaucoup s’occuper des stagiaires.«   Le stage dure en général sept ou huit semaines, à raison d’un jour 1 par semaine, et les horaires sont : fixés en fonction des disponibiliités des stagiaires. Sept à huit jours par année qui ne sont pas à même de perturber la vie de cette PME d’une quinzaine d’employés. « Ça dépend des cas, si le handicap est lourd, il faut tout le temps avoir un oeil attentif. » Un engagement qui n’est pas possible toute l’année. « Des stages plus longs sont difficilement envisageable« .
Reste que ces apprentis un peu particuliers ne peuvent pas effectuer n’importe quelle tâche. L’entreprise évalue, avec I’enseignant spécialisé, les possibilités de chacun. Emmanuel Bender occupe ses stagiaires à des travaux d’entretien, d’arrosage, de mise en place d’arrivages ou de désherbage. « L’important, c’est que ce ne soit pas trop monotone. On leur donne des petits boulots de trente minutes. » Au final, le patron tire un bilan positif de l’expérience. Entre lui et l’école, seul un contrat oral existe. Mais il devrait encore se prolonger. « On donne un coup de main, ça ne coûte pas grand-chose. »

Les parents doivent s’impliquer

Les parents de Ludovic sont conscients qu’ils ont, d’une certaine manière, de la chance. Les handicapés sont intégrés dans les classes « normales » de Martigny depuis plus de quinze ans. Auparavant, ils étaient confiés à des établissements spécialisés. Si aujourd’hui, il est possible de scolariser sont enfants dans les communes de la région, les Rouiller ont dû inscrire Ludovic, 18 ans, à l’école de Martigny. « Nous aurions pu le mettre à Martigny-Croix, se souvient Anne-Marie, mais il n’aurait eu aucun encadrement approprié. »
Le Problème, c’est qu’il s’est quelque peu coupé de son village. « Ludo n’a aucun copain ici, s’inquiété Bernard, il est tout le temps avec nous. Dans les fêtes, il se tient avec des adultes, qui l’aiment beaucoup. » Très ouvert, très bavard aussi, sans difficulté pour s’exprimer, Ludovic vit dans un monde d’adultes. Les jeunes de son âge, qui n’ont jamais eu l’occasion de côtoyer des camarades différents ne sont pas tendres avec lui. La situation n’est pas toujours facile à vivre pour les Rouiller. « Nous connaissons beaucoup de couples avec un enfant handicpaé qui ont craqué. Nous, ça nous a soudés. »

Et après?

Après l’école primaire, Ludovic a poursuivi sa scolarisation au cycle d’orientation. « Ils étaient dans une classe spéciale, précise Anne-Marie, mais ils avaient des cours avec les autres élèves pour la gym, le dessin, le chant ou les travaux manuels. » A la fin du CO, les élèves handicapés étaient sortis du système de formation classique. Depuis la rentrée 2003-2004, ils ont la possibilité de fréquenter, jusqu’à 18 ans, la classe spéciale de stages pratiques au Centre professionnel de Martigny. « C’est encore une fois une grande chance pour nous, avoue Anne-Marie, les conditions sont excellentes, les professeurs sont parfaits. L’idéal serait que Ludovic puisse continuer. »
Mais le règlement est clair: en juin, il aura tgerminé sa formation et devra trouver une alternative. Les conseillers pédagogiques ont proposé aux Rouiller soit le Centre de formation pour jeunes adultes (CFJA) de la Fondation valaisanne en faveur des personnes handicapées mentales (FOVAHM), à Sion, soit le centre de l’Organisation romande pour l’intégration professionnelle des personnes handicapées (ORIPH) à Pont-de-la-Morge, près de Sion. « Nous allons visiter les deux pour décider lequel convient le mieux à Ludovic« , ajoute Bernard. « L’ORIPH semblerait idéal du point de vue de la formation. Le hic, c’est qu’il y a un système d’internat. On hésite à le laisser seul avec d’autres jeunes qu’il ne connaît pas du tout. »


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