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Publié le 8 juillet 2011

Le « cahier des charges » de l’orthophoniste

Janvier/février 2002. –  Ortho-Magazine – Madeleine Fève-Chobaut

Pour mener à bien un travail d’éducation précoce, l’orthophoniste doit posséder des compétences et des qualités particulières.

Une solide formation technique dans le domaine de la trisomie 21: travailler avec un enfant porteur de trisomie 21 relève d’une spécificité propre, celle des caractéristiques inhérentes à la trisomie, qu’il est nécessaire de connaître. Il convient, par exemple, d’aider à la mise en place des items de pensée très tôt, avant l’âge d’acquisition d’un enfant ordinaire, de revoir encore et toujours les bases sensori-motrices et les reprendre au fil du temps afin qu’elles se perpétuent.

Une grande capacité relationnelle pour favoriser l’interactivité des acteurs: l’orthophoniste apprendra à se taire. Ce « silence actif » permettra à l’autre, et à l’enfant en particulier, d’oser prendre sa place. Avec Aragon, nous dirons que « la parole n’est pas donnée à l’homme mais il la prend ». Grâce à ce silence bienveillant, l’orthophoniste sera capable de donner la parole à l’enfant.

Une bonne dose de patience et de persévérance… Le décalage entre compréhension et expression, plus important que chez l’enfant ordinaire, ne fera pas perdre de vue à l’orthophoniste les objectifs qu’il s’est fixés… à condition que l’enfant soit respecté dans ses intérêts. Un jour, enfin, la réponse arrivera.

Une imagination vraie, au sens premier du terme, c’est-à-dire qui permet de « se représenter quelque chose à l’esprit » (définition du Petit Larousse). Il conviendra, grâce à l’expérience, de décrypter au plus juste ce que l’enfant aura exprimé avec peut-être encore des maladresses. Je me souviens de cette maman, inquiète parce que son enfant, encore au biberon, refusait depuis peu de boire… mais on connaît les difficultés qu’ont les enfants porteurs de trisomie pour boire. Avec l’aide de l’orthophoniste, l’enfant a pu faire comprendre qu’il désirait tout simplement une tasse comme ses frères et soeurs.

De la flexibilité. Ne pas craindre les retours en arrière, les séances moins techniques mais nécessaires au réajustement de la relation: sans relation positive avec l’enfant et ses parents, il n’y a pas de travail technique possible.

Un sens poussé des valeurs humaines, en particulier le respect de soi et des autres, qui permettra de recevoir la souffrance des parents, d’entendre leur découragement (et celui de l’enfant) devant les difficultés. Un enfant porteur de trisomie 21 prend très tôt conscience de sa différence. L’orthophoniste, s’il en est conscient lui aussi, pourra y répondre adroitement.

Enfin, le courage d’oser en se faisant confiance et en faisant confiance à l’enfant. L’orthophoniste saura lui parler de sa trisomie, de ce que la trisomie lui permet de réaliser facilement, et de ce qu’elle rend difficile pour lui. Il saura l’encourager, lui dire qu’il est là pour l’aider et que ses parents sont là aussi. Si l’enfant porteur de trisomie 21 n’apprend rien spontanément, il peut tout acquérir. Notre motivation en tant que thérapeute se résume en deux mots: « présomption » et « compétence ». Ce bébé pourra, c’est sûr! Ce qu’il pourra, je ne le sais pas. Quand? je ne le sais pas encore… Mais il pourra! S’appuyer sur ce projet amène à mettre en oeuvre sa concrétisation. Notre travail, à la fois relationnel et technique, participe pour une grande partie au devenir de l’enfant. Il l’aide à mettre du sens dans sa vie et plus il y mettra du sens, plus il aura accès au sens et pourra ainsi donner sens à son existence.

 


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