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Publié le 18 août 2011

Le langage

1997 – APEM Belgique –  Lysens M.T., logopède et Montulet I., orthopédagogue.

Il est commode de distinguer trois périodes générales dans le développement du langage chez l’enfant atteint de trisomie 21 : une période pré-linguistique pendant laquelle il n’existe pas de langage à proprement parler mais où le langage est préparé par plusieurs acquisitions importantes qui le préfigurent; une première période langagière; et, enfin, une période de développement qui concerne l’enfant plus âgé et l’adolescent.

Les spécialistes sont bien d’accord sur ce point à l’heure actuelle : si le langage n’apparaît pas pendant la première année, il est préparé dès les premiers mois de l’existence dans la relation entre le jeune enfant et son entourage.

Si le langage est un moyen de communication, la communication ne s’arrête pas au langage. Elle débute et s’installe avant le langage.

Le bébé atteint de trisomie 21 est souvent décrit comme très calme (trop calme), apathique et peu réactif, il ne s’intègre dans un véritable circuit de communication avec ses parents que plus tard, par rapport à l’enfant normal; le plus souvent pas avant 5 ou 6 mois mais cet âge n’a rien d’officiel.

La structure des dialogues avec l’adulte selon un mode pré-conversationnel avec réciprocité et espacement des productions vocales qui s’installe vers la fin de la première année chez l’enfant normal n’est pas observable chez l’enfant atteint de trisomie 21 avant la seconde partie de la deuxième année. Ce retard conséquent témoigne de l’absence de saisie pendant longtemps chez l’enfant atteint de trisomie 21 de la structure de base de la conversation et de l’échange interpersonnel. On peut penser que cette lacune du développement contribue elle-même à retarder de manière importante la suite du développement du langage chez l’enfant atteint de trisomie 21.

L’installation précoce du circuit de communication avec l’adulte et de la structure protoconversationnelle des échanges verbaux vocaux entre adulte et l’enfant atteint de trisomie 21 apparaissent donc comme deux priorités dans les acquisitions à favoriser au niveau de tout programme d’intervention précoce avec ces enfants.

D’autres aspects du développement social et du développement cognitif précoces chez l’enfant atteint de trisomie 21 méritent qu’on y prête attention parce qu’ils sont sans doute directement ou indirectement liés au développement de la communication et du langage chez ces enfants.

Le sourire social

On désigne ainsi le sourire semi-volontaire observable chez l’enfant normal dès l’âge de deux ou trois mois en réponse à la situation sociale. Certes, des sourires sont déjà observables plus tôt, en fait dès les premiers jours et les premières semaines, mais il ne s’agit alors que de réponses réflexes à un bien-être physique chez l’enfant qui se décontracte dans la sécurité de l’étreinte maternelle.

Ce type de sourire-réflexe n’apparaît pas en règle générale avant 6 semaines chez l’enfant atteint de trisomie 21.

Le bébé atteint de trisomie 21 sourit plus tard et moins que le bébé en développement normal.

Les contacts oculaires

Les contacts oculaires mère-enfant pendant la première année, et notamment au cours des six premiers mois, sont un autre élément d’importance pour le développement d’une bonne relation entre la mère et l’enfant et l’établissement d’un premier système de communication.

L’établissement d’un contact oculaire soutenu entre l’enfant normal et sa mère se fait habituellement vers 1 mois.

Chez l’enfant atteint de trisomie 21 ce contact s’établit vers 7 ou 8 semaines.

Des aspects du développement pré-langagier ayant leur importance mais ne concernant pas directement l’organisation sociale des productions vocales sont les caractéristiques des sons produits par les jeunes enfants atteints de trisomie 21 sur les plans articulatoire et acoustique. Les bébés atteints de trisomie 21 produisent des sons dont la hauteur tonale (musicale) semble varier davantage que chez les bébés normaux.

Le babillage

L’évolution du babillage de l’enfant et des sons qu’on peut y distinguer a été étudiée sur les douze premiers mois de vie approximativement.

Le babillage et les sons produits par les enfants atteints de trisomie 21 et les enfants normaux ne paraissent pas différer sensiblement pendant cet intervalle de temps.

Le nombre de voyelles, de consonnes et de sons qui n’appartiennent pas au langage parlé par l’entourage est comparable. Il en va de même en ce qui concerne la longueur des voyelles et de consonnes produites dans le babil des enfants et pour le type articulatoire des voyelles et des consonnes produites pendant la première année.

De même, il semble que le temps passé à vocaliser est à peu près identique chez les enfants atteints de trisomie 21 et chez les enfants normaux dans la seconde partie de la même année, alors que pendant la première partie de la même année, nombre d’enfants atteints de trisomie 21 tendent à vocaliser moins que les bébés normaux.

Bien qu’il existe un certain nombre de différences anatomiques pertinentes au plan de l’articulation entre enfants normaux et enfants atteints de trisomie 21 (comme, par exemple, l’existence d’un palais voûté, un certain allongement en avant des mâchoires, un fréquent rétrécissement de la cavité buccale et un aplatissement des angles de la mandibule chez les enfants atteints de trisomie 21) auxquelles il faut ajouter la fréquente hypotonie des muscles articulatoires chez ces mêmes enfants, il y a très peu ou pas du tout de différences au niveau des sons produits pendant la première année par ces enfants.

Le développement du vocabulaire et le développement phonologique correspondant sont extrêmement lents chez l’enfant atteint de trisomie 21.

Chez l’enfant normal les premiers mots prononcés apparaissent entre approximativement 10 et 18 mois.

Les enfants atteints de trisomie 21 présentent habituellement un an de retard par rapport aux enfants normaux dans l’apparition des tout premiers mots comme papa et maman.

Le plus souvent, ce n’est pas avant 3 ou 4 ans que des progrès appréciables sont observables dans l’acquisition du vocabulaire chez les enfants atteints de trisomie 21 . Dès lors, leur bagage réceptif et productif, c’est-à-dire le répertoire des mots que l’enfant peut comprendre et produire, s’accroît régulièrement mais toujours avec lenteur.

Les difficultés articulatoires des enfants atteints de trisomie 21 concernent les consonnes et notamment les consonnes qui apparaissent plus tardivement dans le développement articulatoire normal, c’est-à-dire f, v, j, ch, s, l et z. Les difficultés sont dues à plusieurs raisons qui se conjuguent vraisemblablement: hypotonie des muscles des organes de l’articulation, retard de maturation neuromotrice, et parfois un déficit qui peut varier de léger à moyen.

Dès qu’il dispose d’un registre lexical suffisant (une vingtaine de mots), soit souvent vers 4 ans, l’enfant atteint de trisomie 21 est capable de les combiner d’eux à la fois pour former de petits énoncés qui préfigurent les phrases du langage adulte.

Au-delà de 5-6 ans, les énoncés produits par les enfants atteints de trisomie 21 s’allongent progressivement. Ce n’est pas avant 10 et 11 ans dans beaucoup de cas que les énoncés produits contiennent 5 et 6 mots.

L’allongement graduel des énoncés se poursuit durant les années d’adolescence et même, semble-t-il, durant le début de la période adulte. Si les difficultés articulatoires des enfants atteints de trisomie 21 sont bien réelles et gênent son développement lexical, il ne convient pas cependant d’en exagérer la portée.

Certes, il faut chercher à y remédier, mais il faut le faire souplement, sans inhiber par des corrections articulatoires intempestives les essais de production de l’enfant.

L’articulation des sons n’est qu’un aspect du langage. Il n’est pas souhaitable que l’arbre cache la forêt.

Les parents bien intentionnés procèderont graduellement en permettant à l’enfant de s’exprimer même si la facture phonologique de ses productions laisse gravement à désirer.

La qualité de l’articulation de l’enfant atteint de trisomie 21 progresse avec le temps, la maturation et les exercices auxquels on peut le soumettre.

Après 12 ans, elle est souvent nettement améliorée bien qu’elle ne rejoigne jamais le niveau habituel de la population normale. La grammaticalisation du discours représente une tâche ardue.

Comme le jeune enfant normal, la personne atteinte de trisomie 21 séquentialise correctement les énoncés, et ce virtuellement dès le début de son expression combinatoire. Ceci tient à la capacité du cerveau de retenir des séquences de termes et d’associer les termes les uns aux autres selon l’ordre dans lequel ils sont le plus fréquemment entendus.

L’exercice de cette capacité est facilité par l’habitude dans laquelle se trouvent les adultes des différentes cultures de simplifier et de raccourcir les énoncés qu’ils adressent aux jeunes enfants, simplifications et raccourcissements dont l’importance est en proportion inverse du niveau de développement linguistique du jeune enfant. A toutes fins pratiques, il n’est nul besoin, en règle générale, de faire apprendre au jeune enfant normal ou à la personne atteinte de trisomie 21 à ordonner séquentiellement les mots produits dans les phrases déclaratives ou impératives.

Il suffit de leur parler simplement et clairement en produisant des énoncés courts, dont les éléments lexicaux sont connus, qu’ils pourront retenir et analyser séquentiellement.

Tout autre chose est l’emploi des mots tel que les prépositions, les articles, les conjonctions et les marquages morphologiques inflexionels.

L’éducation langagière des personnes atteintes de trisomie 21 se devra d’être systématique et répétitive.

Ces personnes ont des difficultés importantes pour apprendre, organiser l’information, la retenir (la rétention étant, comme on le sait par ailleurs, largement fonction de l’organisation conférée aux informations stockées en mémoire).

Il convient donc, au premier chef, de programmer finement les apprentissages et de fournir de l’extérieur l’organisation des données qu’ils ont tant de mal à découvrir et à inférioriser.

L’éducation langagière de ces personnes sera fonctionnelle. On n’hésitera pas à choisir parmi les formes et les structures de la langue, celles qui sont les plus utiles, et à ce centrer dans le travail éducatif, principalement, voire uniquement sur ces structures.

On ne perdra pas de vue que l’objectif final n’est pas de comprendre et d’exprimer du langage en vase clos, mais dans la communauté culturelle au sens large et dans le contexte des activités usuelles de la vie.

Les enfants plus âgés, les adolescents et les adultes atteints de trisomie 21 sont parfaitement capables de converser en respectant les règles habituelles des échanges conversationnels. Les contenus qui figurent dans leurs messages sont généralement adaptés à la situation et à l’interlocuteur. Il s’agit d’un langage simple sur le plan des structures linguistiques utilisées mais pertinent quant aux contenus sémantiques transmis.

Nous remercions le professeur, J.A. Rondal du Laboratoire de  Psycholinguistique de l’Université de Liège et le professeur L.  Koulischer du Centre Universitaire Wallon de Génétique qui, par leurs  conseils avisés et leur apport scientifique, ont contribué à la  réalisation de cette documentation.

 


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