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Publié le 8 juillet 2011

Intégration scolaire partielle: l’expérience d’une enseignante

Juin 2005 – Les Perce-Neige N° 90 – Extraits mémoire Mme Perroset

Cet article est composé d’extraits du mémoire professionnel d’une enseignante de l’école primaire de La Chaux-de-Fonds. Pour réaliser ce travail, elle s’est approchée de quelques familles ayant un enfant trisomique. Son mémoire reflète ses réflexions, ses lectures, mais aussi son expérience de terrain.

Evolution d’options pédagogiques

On constate une grande diversité des options pédagogiques partout en Europe. Un bref historique permet d’en comprendre les raisons. Dès la création de l’école obligatoire pour tous dans un but démocratique, il s’est avéré que des différences notoires existaient entre les enfants. Afin de ne pas ralentir le rythme des bons élèves et aussi pour permettre un apprentissage approprié, on développe dans tous les pays depuis les années 50 l’ouverture de classes spéciales. Il en va de même pour les enfants handicapés dont on pense qu’ils sont mieux en institution pour pouvoir répondre à leurs besoins spécifiques. Ce n’est que depuis les années 70, avec l’avènement des droits égaux pour tous les humains, que le bien-fondé de cette exclusion est remis en cause. C’est pourquoi politiciens, pédagogues, enseignants et éducateurs réfléchissent à la meilleure solution à adopter.

La déclaration de Salamanque précise que:

  • les personnes ayant des besoins éducatifs spéciaux doivent pouvoir accéder aux écoles ordinaires, qui doivent les intégrer dans un système pédagogique centré sur l’enfant, capable de répondre à ses besoins;
  • les gouvernements devraient adopter, en tant que loi ou politique, le principe de l’éducation intégrée, en accueillant tous les enfants dans les écoles ordinaires, à moins que des raisons impérieuses ne s’y opposent;
  • les gouvernements devraient veiller à ce que, dans le contexte d’un changement systémique, la formation des enseignants, initiale ou en cours d’emploi, traite des besoins éducatifs spéciaux dans les écoles intégratives.

Il est intéressant de relever que, à l’origine, ce sont les «normaux» qui doivent fournir un effort supplémentaire!

Les trois niveaux de l’intégration scolaire

  1. L’intégration physique ou réduction de la distance entre personnes handicapées et valides. Les personnes vivent parmi les autres sans avoir forcément de contacts ou d’activités communes.
  2. L’intégration fonctionnelle. Les personnes valides et handicapées pratiquent ensemble des activités, utilisent du matériel, des équipements communs.
  3. L’intégration sociale. L’individu fait partie d’un groupe, d’une communauté. Il établit des liens spontanés, se perçoit et est perçu par les autres comme partie inhérente du contexte social. Il participe aux décisions, tient une place et joue un rôle. Ce niveau requiert une adaptation réciproque entre les membres des groupes et un partage des règles et des valeurs.

Après ces quelques considérations théoriques, nous passons à la partie pratique de ce mémoire, résumant l’expérience vécue par cette enseignante dans sa classe.

Cadre

Suite à la demande de l’enseignante spécialisée et des parents, la direction des Perce-Neige s’est approchée de l’école primaire de La Chaux-de-Fonds afin de trouver une classe proche du domicile de l’enfant et prête à accueillir un enfant trisomique.

Durant la 1 ère année, l’enfant va dans sa classe d’intégration un après-midi par semaine durant les activités de dessin, de bricolage ainsi que de connaissance de l’environnement (activités adaptées ou simplifiées).

Au vu des progrès réalisés par l’enfant, tant en socialisation qu’en autonomie, il pourra bénéficier durant l’année suivante d’une demi-journée supplémentaire par semaine où sera inclus un appui de 2 heures avec une enseignante spécialisée. (Aucun objectif particulier ne sera demandé, si ce n’est de poursuivre le travail de socialisation).

L’enseignante n’a aucune connaissance spécifique du handicap de l’enfant (trisomie 21). Elle va donc se renseigner sur les changements à apporter à son enseignement pour aider au mieux cet enfant.

Adaptations pédagogiques

Les enfants trisomiques ont des acquisitions plus lentes, il leur faut des consignes simples, ils doivent pouvoir anticiper les changements, ils ont besoin de travailler sur leur vécu, car ils éprouvent des difficultés à transférer les acquis. Ils ont également besoin de beaucoup manipuler et d’avoir des supports visuels pour mieux pouvoir s’organiser. Comme chaque être humain, ils ont des aptitudes très diverses.
Ils présentent souvent un faible tonus musculaire, ce qui explique la fatigabilité et les moments de déconcentration plus fréquents. Il est important de travailler avec des supports correspondant à l’âge chronologique de ces enfants et non pas à leur âge mental. L’enfant réagira plus positivement si on lui laisse une possibilité de choix du matériel, par exemple d’utiliser des vaches ou des voitures pour un exercice de comptage.

Nous ne disposons pas d’assez de place dans ce journal pour décrire jour après jour le déroulement de cette intégration, c’est pourquoi, nous reprenons juste les paroles de l’enseignante au terme de cette expérience.

Bilan de cette intégration

J’ai pu observer des effets positifs de l’intégration, tant chez Pierre (prénom fictif), que chez les autres élèves durant mon travail.

Pierre a toujours eu beaucoup de plaisir à venir dans ma classe. Il a appris à être plus rapide pour se changer au vestiaire, il ose s’adresser à un camarade pour lui demander un crayon, il s’est très bien adapté à la dynamique d’un groupe de vingt enfants. Il a augmenté son temps de concentration en voyant les autres travailler.

Les enfants de la classe ont pris conscience que Pierre, malgré son handicap, est un enfant avec lequel ils peuvent faire un jeu en classe ou à la récréation. Ils peuvent le regarder comme un autre enfant et lui donner la main lors d’une sortie. Ils ont réalisé que Pierre pouvait également leur apporter des connaissances. Je pense notamment au jour où Pierre a apporté son B-A-Bar en classe.

L’intégration est positive pour l’enfant différent. Le fait de vivre en milieu «normal» stimule les capacités langagières et motrices; l’observation et l’imitation permettent à l’enfant de faire des progrès.

Je constate que, pour la majorité des enfants, la présence de Pierre est acceptée. Comme pour d’autres camarades, certains enfants ne souhaitent pas une trop grande proximité.
J’observe aussi que ce sont les enfants qui sont en difficulté dans ma classe qui sont les plus tolérants et prêts à aider Pierre. En effet, les élèves qui ont quelques difficultés se sentent valorisés, car ils peuvent aider quelqu’un au sein de la classe.

Pour l’enseignante spécialisée, l’intégration partielle de Pierre est positive. L’objectif principal de l’année scolaire, soit de pouvoir entretenir des liens sociaux est réalisé. De plus, elle a observé des progrès dans sa relation face à l’autre; Pierre est moins timide, se tient plus droit. Dans sa manière de communiquer, il s’exprime de plus en plus clairement. Il a également fait de gros progrès dans l’apprentissage de la lecture, il commence à déchiffrer.

Pour l’enseignante d’appui, le travail avec Pierre s’est bien passé. En début d’année, il épelait les mots et n’avait pas de fusion syllabique, alors qu’il commence maintenant à réellement déchiffrer des mots nouveaux. Il est également capable de fournir un effort soutenu de plus en plus longtemps. Pour elle, le fait que Pierre observe ses camarades au travail le stimule énormément.
Elle regrette néanmoins le peu de temps qu’elle passe dans la classe. Elle n’a pas réussi à lier ses activités avec le travail du reste de la classe. Elle a également peu pu s’investir dans le travail de ma classe, car elle n’était pas assez présente. Elle compare son activité dans ma classe avec ce qu’elle fait dans une autre classe où elle est présente trois fois par semaine. Pour elle, il est indéniable que le nombre d’heures de présence de l’enfant, et donc de leçons d’appui, est un facteur très important pour réussir une bonne intégration.

Quelques heures passées dans une autre classe permettent à chaque personne de découvrir l’autre, mais cela n’est pas suffisant pour réussir une vraie intégration.

Le canton de Neuchâtel est encore en phase expérimentale dans le domaine de l’intégration des enfants handicapés. Cette démarche est en lien avec la politique et les finances de I’Etat.

L’évolution des mentalités et des pratiques se fait à petits pas. Pour moi, j’ai dû accepter qu’un élève travaille dans ma classe sans avoir le même niveau scolaire. Cette présence, très enrichissante, demande une réflexion tout au long de l’année lors de la préparation des leçons.

Les élèves ont découvert et accepté la présence de Pierre dans la classe. Pour eux aussi, leur regard, donc leur mentalité, face au handicap a changé. A leur tour, ils sauront reconnaître et admettre la différence dans leurs rencontres futures.

résumé par Sylvie Augier

 


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